SwissLeaks : Ces Algériens Détenteurs de Comptes HSBC

7 June 2015

LIBERTE-ALGERIE

Alertée par son homologue française qui lui a transmis le listing des clients algériens, la Direction générale des impôts (DGI) a entamé des enquêtes fiscales sur les détenteurs de comptes dans la banque HSBC Suisse bien avant l’éclatement du scandale en 2014…

Selon nos sources, le listing des clients algériens de HSBC Suisse a été transmis à l’administration fiscale algérienne par son homologue française et des enquêtes ont été ouvertes au sujet des résidents fiscaux algériens. Nous avons approché le directeur général des impôts, Abderrahmane Raouya, pour avoir plus de détails, à savoir si cela a donné lieu à des redressements fiscaux à l’encontre des contrevenants, si des sommes ont été recouvrées ou des poursuites judiciaires engagées, mais il n’a pas donné suite à nos sollicitations.
L’administration française, faut-il le préciser, a obtenu en 2008 une partie des archives de la filiale suisse de la banque HSBC, dérobée par Hervé Falciani, un informaticien français, employé de cette filiale. Des documents qui ont permis aux enquêteurs de cette administration de quantifier les flux ayant transité en Suisse par les comptes HSBC de 100 000 clients et 20 000 sociétés offshore à 225 milliards de dollars entre novembre 2006 et mars 2007. Cette enquête a donné lieu à des poursuites judiciaires contre de nombreux contrevenants et la mise en examen de la banque HSBC en France.
Nous abordons dans cette enquête quelques comptes crédités de montants constatés en 2006-2007, période couverte par le listing des clients de la filiale suisse de la banque HSBC que nous avons pu consulter grâce au soutien du réseau Arij (Arab Reporters for Investigative Journalism) dans le cadre du traitement du dossier SwissLeaks dont les données sont fournies par le Consortium international des journalistes d’investigations (ICIJ) et le journal français Le Monde. Il y a, dans ce listing, le neveu d’un ministre de la Santé, le fils de Yacef Saâdi et un marchand d’art qui a pignon sur rue à Paris.
Le neveu du ministre de la Santé
Lyes Belkacem Boudiaf est le fils du colonel à la retraite Mohamed Boudiaf, homonyme du président assassiné, qui siège actuellement comme conseiller à la présidence de la République, et le neveu de l’actuel ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf. Son nom figure sur le listing HSBC Suisse où il détenait entre 2006/2007, période couverte par le listing,
1,2 million de dollars (9 milliards de centimes de dinars algériens environ). Son épouse, Isis Benosman, une architecte urbaniste, est copropriétaire de ce compte.
Lyes Belkacem Boudiaf gérait à l’époque une entreprise de transport de marchandises (Eurl GTRM) domiciliée au chemin Hocine-Slimane (ex-chemin des Glycines) à Alger. Cette entreprise, créée en janvier 2005, a été dissoute en novembre 2006. Lyes Belkacem est actuellement à la tête de Suc Partex Algeria Corporation, une entreprise spécialisée dans l’“installation, la réparation et la maintenance de tout équipement ou l’exploitation fonctionnant au gaz”. Une entreprise créée en septembre 2010 et dont les activités ont été élargies en avril 2012 aux “forages pétroliers, études et engineering liés aux hydrocarbures, extraction d’hydrocarbures liquides et gazeux, analyses liées aux hydrocarbures, raffinage du pétrole et autres services pétroliers”.
Ce compte HSBC Suisse, Lyes Belkacem l’a ouvert en février 2004 et a confié sa gestion à un certain Jacques René Louis Gougelin, patron de la société de services financiers Capland SA. Ainsi, une partie de son argent est placée dans des sociétés d’investissement à capital variable (Sicav) aux quatre coins du monde.
Certaines Sicav sont affiliées à la banque HSBC, elles ont été créées pour les besoins de gestion des fortunes et proposent des services financiers à ses clients (placements, etc.).
Selon les documents bancaires consultés, 38 000 euros ont été placés à Hermitage (Europe), 15 000 euros à HSBC GIF Chinese Equity Cap (Chine), 15 000 euros à GIF HSBC GIF Indian Equity A (Inde), 15 000 à Pictet Eastern Europe et 15 000 euros à HSBC GIF Brazil Equity AD (Brésil). Lyes Belkacem Boudiaf a refusé de répondre à nos questions.

Marché d’art et négoce de légumes secs
Selon le listing des clients algériens de la filiale suisse de la banque HSBC, le nom de Djaffar Aittouares, patron de la société Gerba Plast, sise à Hussein-Dey (Alger), spécialisée dans la fabrication des matières plastiques de base, est lié à un compte ouvert au nom d’une société domiciliée au Panama, à savoir Palmflower Inc. Le solde de ce compte constaté en 2006/2007 était de 656 806 dollars américains (5 milliards de centimes de dinars algériens environ). Cette société a été créée en 1989 par son cousin et associé dans la galerie d’art parisienne Galerie Aittouares, Jean-François Aittouares, décédé en août 2014. Djaffar Aittouares a cédé ses parts dans cette galerie (50%), en 2002, au fils de Jean-François. “C’est Jean-François qui avait ouvert ce compte, il était alimenté par le revenu de la galerie d’art”, a indiqué Djaffar qui en bénéficie en tant que “Business Partner” sous le code interne : “5090133828”.
D’autres membres de la famille de Jean-François Aittouares en rapport avec ce compte sont répertoriés dans les livres de la banque. Il s’agit de sa fille Odile et de son épouse Michèle Berthet qui ne sont pas associées au compte, mais sont autorisées par le détenteur du compte à en disposer. Et, elles peuvent utiliser leurs signatures respectives, y compris pour l’autre compte de ce dernier. En effet, Jean-François, un trader “très actif”, selon son cousin Djaffar, dans le négoce de légumes secs, détient un autre compte. Une autre société, Calan
Trade & Investment Ltd., est liée à ce compte dont le montant maximal enregistré durant la période couverte par le listing était de
719 247 dollars. Djaffar Aïttouares a dit ne pas connaître cette société et qu’il n’était associé avec son cousin que dans la galerie d’art. La galerie Aittouares, faut-il le rappeler, qu’abritent les murs de l’ancienne Galerie Pierre du célèbre marchand Pierre-Loeb (1933-1963), au 2, rue des Beaux-Arts à Paris, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, près de l’école des Beaux-Arts. La galerie présente des œuvres d’artistes plasticiens et de photographes et édite des livres d’art.

Yacef Saâdi et son fils
Mohamed Amine, 42 ans, est le fils cadet du sénateur Yacef Saâdi, chef de l’Organisation militaire du FLN à Alger de septembre 1955 à septembre 1957. Son nom figure sur le listing des clients algériens de la filiale suisse de la banque HSBC. Sur son compte ouvert en juillet 2006, un montant maximal de 246 335 dollars américains (près de deux milliards de centimes de dinars algériens environ) a été constaté sur la période couverte par le listing que nous avons pu consulter. Son nom est lié à trois sociétés offshore, Arvis Investment Limited et Sagerton Holdings Limited basées en Suisse et Thursley Holdings Limited domiciliée aux îles Vierges britanniques. Il est associé dans les comptes ouverts aux noms de ces sociétés avec deux Tunisiens, à savoir Abdeljelil Mouakher, 80 ans, un ancien expert-comptable qui gère actuellement le groupe tunisien ABM spécialisé dans le textile, et son fils Yassir Mohamed Ali, 47 ans. En Algérie, Mohamed-Amine est actif dans le domaine de la santé. Son entreprise, la Sarl Inex International, est spécialisée dans l’importation des produits parapharmaceutiques, matériels et instruments médicochirurgicaux, pièces détachées et consommables, ainsi que l’importation d’appareils, d’instruments et d’articles de lunetterie et d’optique médicale. Il y est associé avec l’homme d’affaires Kamel Sahnine qui, lui, est actif dans l’agroalimentaire. Il convient néanmoins de rappeler que son père disposait en 2006-2007 de 400 762 dollars américains (3 milliards de centimes environ, suivant le taux de change de l’époque, ndlr) sur un compte de la filiale suisse de cette banque. L’avocat Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme et ami de Yacef Saâdi, a plaidé la cause de ce dernier à la sortie d’une partie de cette enquête sur le listing des clients algériens de la filiale suisse de la banque HSBC. Pour lui, cette somme “n’est pas gigantesque” et “Yacef Saâdi pourrait facilement en justifier la provenance”, non sans admettre que le problème de la régularité de ce dépôt du point de vue de la législation fiscale demeure posé. Et de suggérer : “Le film La Bataille d’Alger, produit par la société de production cinématographique de Yacef Saâdi, Casbah Films, continuait à être diffusé et à générer des droits. Je suppose que c’est le produit de ce film.”
Yacef Saâdi est propriétaire d’un important parc immobilier à Alger. La villa qu’il habite sise au chemin des Ruines à Bordj El-Bahri (ex-La Pérouse) et la villa qu’il loue à l’ambassade du Royaume-Uni sise au n°2, chemin du capitaine Hocine-Slimane (ex-chemin des Glycines) en sont les plus importantes. Nous n’avons pas pu entrer en contact avec Mohamed-Amine Yacef pour en savoir plus sur la gestion de ses comptes en Suisse et la provenance de l’argent qui les alimente

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